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Élections législatives en France : à quoi peut-on s’attendre en matière fiscale ?

La France a toujours eu une relation « passionnée » avec sa fiscalité et les élections, qu’elles soient présidentielles ou législatives, mettant systématiquement la question au cœur des débats, allant souvent jusqu’à anéantir les réformes mises en œuvre au cours de la précédente législature.

 

Par Alain Moreau
Associé et responsable du bureau de Paris, FBT Avocats

 

Les prochaines élections législatives ne dérogent pas à cette règle bien établie. Il n’y a en effet que le parti présidentiel, pour autant qu’il dispose d’une majorité parlementaire le 19 juin prochain, qui prévoit un quasi statu quo fiscal. Nous pouvons d’ailleurs noter que, durant son premier mandat, le Président Macron a été exceptionnellement avare en matière de réformes fiscales. En effet, si l’année 2017 a vu l’instauration de l’impôt sur la fortune immobilière et de la « flat tax » de 30 % sur les revenus financiers, la suite du quinquennat n’aura apporté aucune mesure fiscale de grande ampleur. En cela, le Président Macron a clairement dérogé à la pratique de ses prédécesseurs.

Si le parti présidentiel devait ne pas recueillir la majorité parlementaire, voire se trouver en minorité, quelle serait alors la politique fiscale susceptible d’être mise en place en France pour les cinq prochaines années ?

Au vu des sondages connus au moment de la rédaction de cet article, l’adversaire le plus probable au parti présidentiel est la coalition de gauche menée par Monsieur Jean-Luc Mélenchon qui annonce un programme fiscal « de rupture », visant à taxer lourdement les contribuables les plus fortunés.

En matière de taxation des revenus, il est ainsi prévu de revoir le barème d’imposition pour en modifier les taux et instaurer un taux marginal de 90% pour les revenus excédant EUR 400’000. Notons que la « flat tax » de 30% disparaîtrait, rendant les revenus financiers imposables selon le barème général (et cela y compris, semble-t-il, les plus-values de cession de valeurs mobilières). Ces mesures nous rappellent étrangement celles qui avaient été adoptées lors du quinquennat du Président Hollande, mais qui n’avaient au final jamais été réellement appliquées, le Conseil Constitutionnel ayant invalidé le projet d’instauration d’une taxation à 85%. Quant à l’imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières au barème progressif sans abattement, la contestation dite des « Pigeons » avait fait reculer le Gouvernement.

Un impôt cristallise tout spécialement la rancœur des opposants au Président Macron : l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) qui a remplacé l’ISF sur la fortune globale. C’est donc naturellement que la coalition de gauche a mis dans son programme le rétablissement d’un ISF « renforcé », intégrant un barème élargi et une limitation drastique des réductions et exonérations. La question du maintien de l’exonération des biens professionnels ne semble pas tranchée à ce jour, mais il ne serait pas étonnant que les œuvres d’art entrent dans le champ de ce futur ISF.

Pour faire bonne mesure, une révision « révolutionnaire » des droits de succession serait également proposée, portant le taux marginal d’imposition à 90% pour les patrimoines supérieurs à EUR 12 millions tout en limitant le seuil d’exonération à EUR 120’000, valable pour la vie entière (au lieu de l’abattement actuel de EUR 100’000, renouvelable tous les 15 ans).

Cet horizon fiscal particulièrement sombre pourrait amener certains contribuables français à envisager de transférer leur domicile vers des pays plus accueillants. La France connaît aujourd’hui un système d’exit tax fortement assoupli depuis 2019, la durée de détention des actifs financiers post départ ayant été réduite de 15 à 5 ans (voire 2 ans pour les petits patrimoines). Il n’est cependant pas du tout certain qu’un tel assouplissement perdure, comme il n’est pas certain non plus que d’autres mesures restrictives au transfert de résidence ne soient pas instaurées, notamment comme corolaire aux fortes augmentations d’impôts susceptibles d’être votées.

Rappelons en effet que la « France Insoumise », le parti de Monsieur Mélenchon, avait été à l’origine d’un rapport parlementaire du 19 septembre 2019 statuant sur les différentes modalités de taxation des contribuables français après leur départ. Si la taxation sur la base de la nationalité avait été rejetée dans les conclusions dudit rapport – contrainte du droit européen, obligation de renégocier plus de 120 conventions fiscales, mise en place d’un FATCA à la française – onze propositions alternatives destinées à combattre l’exil fiscal avaient été évoquées.

Si certaines peuvent sembler farfelues et inapplicables, d’autres méritent, en revanche, d’être développées. Tel est le cas en particulier de la proposition n°3 du rapport qui vise à « adapter en France un mécanisme d’obligation fiscale étendue pour les nationaux partant dans des pays à fiscalité privilégiée, pour une durée à définir par le législateur, qui pourrait se situer entre 5 et 10 ans ».

Le principe dit de « fiscalité limitée étendue » permet de prolonger les obligations fiscales du citoyen d’un État lorsque celui-ci décide de changer de résidence fiscale, en prenant notamment domicile dans un pays à fiscalité privilégiée (cette notion doit encore être clairement définie, un seuil de 50% semblant ressortir des conclusions du Rapport).

Plusieurs pays ayant déjà instauré cette « fiscalité limitée étendue » ont servi de source d’inspiration aux Parlementaires français. L’on peut ainsi citer l’Allemagne, la Finlande, la Suède, ou encore l’Espagne et l’Italie, qui, chacun avec ses spécificités, ont mis en place un droit de suite fiscal à l’égard de ses citoyens.

Il ne serait dès lors pas étonnant de retrouver, en cas de majorité de gauche, une disposition instaurant dans le Code Général des Impôts français le concept de fiscalité limitée étendue.

 

Biographie 

Alain Moreau est associé et responsable du bureau FBT Avocats à Paris. Titulaire de la mention de spécialisation en droit fiscal, Alain Moreau pratique le droit fiscal français et international depuis plus de vingt ans. Son expertise porte notamment sur les questions fiscales relatives aux investissements étrangers en France ainsi que sur les activités transfrontalières, particulièrement franco-suisses.